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(Tout) et n'importe quoi.
16 novembre 2011

(In)Compréhensions.

921847307a1cJe te connais, mais je te comprends si peu. Je te ressens, et pire, te pressens, décrypte tes silences, tes mots retenus. Je perçois les chemins que tu empruntes dès ton premier pas hésitant sur le terrain meuble de tes doutes bousculés par tes envies de t'exprimer et de transmettre ta pensée. C'est aussi  déroutant pour toi que pour moi, tu sais. Je te ressens, mais je ne saisis pas tout de tes mots et de ce que tu dissimules en eux. Je ne comprends pas pourquoi tu me parles de l'anorexie des autres. Même encore après que tu aies lu tout ça. Pourquoi tu arrives sur cette planche savoneuse sur la pointe des pieds pour finalement enfoncer tes os dans ma chair? Pourquoi t'émerveilles-tu de la vie des autres, de leur souffrance à leurs joies ? Pourquoi insistes-tu sur leur sourire ? Me trouves-tu si réfractaire au bonheur ? Comprends-tu que je ne veux pas rire par obligation en réponse à un ordre, et que je préfère pleurer sous le poids de la folie de certains, des coups que prennent mes proches, des errances d'un monde qui distribuent des parachutes dorés au lieu de colis alimentaires en Afrique ? Non, cette fille dont tu me racontes l'histoire et qui a décidé d'être heureuse, envers et contre tout, qui s'apllique à l'être comme un bon petit soldat, ne me séduit pas. Je ne la trouve pas incroyable d'aimer vivre malgré ses drames. Son application à être heureuse et à réaliser tous ses projets me donnent la nausée. Sur quoi ferme-t-elle les yeux pour que s'élèvent ses rires ? Elle a mis de côté ses douleurs pour parvenir à rire, mais elle a aussi oublié le monde et les plus démunis qu'elle pour cela. Je préfère recevoir des coups plutôt que d'ériger ces murs-là. Je préfère rêver d'un monde meilleur jusqu'à en vomir de dégoût et de conscience de l'illusion plutôt que de me détourner de lui. Je préfère mes amis, qui ne sont pas toujours drôles, qui encaissent avec des ricochets, mais qui sont terriblement vivants, à une bande de copains de délires. La profondeur me touche davantage que la voûte colorée d'une superficialité revendiquée. Mais ne te méprends pas, cela ne signifie pas s'enterrer vivant ni même être un tant soit peu masochiste. Seulement ouverte aux autres, avec leur pire et le meilleur. Je préfère te décevoir, en n'étant pas assez pleine de vie et débordante de rires, de joie, d'envie de vivre, plutôt que de me concentrer sur mon bonheur. Car pour y parvenir, il faut oublier les autres, tous les autres. Ne pas fournir l'effort d'être heureuse, ne pas choisir d'être heureuse, ce n'est pas se concentrer sur ses douleurs et sur celles des autres, proches ou inconnus. C'est être ouverte au monde, tour à tour réjouissant et déprimant. Je ne veux pas oublier ce que d'autres vivent autour de moi pour atteindre l'euphorie permanente. Pardonne-moi de ne pas te renvoyer le reflet de ces vies que tu me racontes avec une emphase ébahie. Pardonne-moi de ne pas comprendre pourquoi tu me parles toujours et encore de l'anorexie des autres. Pardonne-moi de comprendre que tu souhaiterais que j'atteigne ces cieux-là, un jour. Pardonne-moi de t'écouter et de débouter à la fin de tes discours. Je te connais, peut-être trop, mais je ne te comprends pas toujours. Parfois, je prefère aussi feindre de ne pas te comprendre. Pardonne-moi.

Photo : Alexandra Sophie
Musique : L'écho

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Commentaires
A
Pourquoi ?
D
je me sens loin...
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