Je t'ai attendu. Tu t'étais annoncé. En grandes pompes. Avec fracas disait-on. Alors, je me suis installée. Là, sur le côté droit du canapé, pour te guetter. Par la fenêtre, malgré la nuit tombante. J'ai croisé mes larges jambes. Position du lotus. Des jeux d'autrefois. Entre lui et moi. Une tête à tête nocturne, déjà. Je poussais les volets. Sans bruit. Pour n'alerter personne. Te garder pour moi seule. Et que notre idylle ne soit pas rompue dans un claquement de porte, excédé de notre relation interdite. Secrète. Et je t'observais. Des heures entières. En silence, j'écoutais tes railleries. Subjuguée par ses coups d'éclats. Immortalisés quelques fois. Rarement concluantes ses traces d'un éphémère instant. Mais tellement excitant.
Aussi. Souvent. Dans le silence des nuits d'internat. Après mes deux ou trois heures réglementaires de sommeil quotidien. Je m'asseyais sur le rebord de la balustrade. Les pieds dans le vide. Comme à la maison. Et je te guettais. Ton parfum te trahissait souvent. Ou mon sixième sens amoureux peut-être.
Cette nuit encore, je t'ai attendu. Tu n'étais pas loin. Pourtant. J'ai entendu ta voix de baryton. Humé ton odeur. Mille senteurs. A l'image de tes humeurs. Et la nuit s'est invitée. Par la baie vitrée. Aussi discrète que ton absence est fracassante. Elle m'a ravit. Je me suis laissée emmener. Loin. Là où ton indifférence ne me frôlera plus. Tu avais sonné. Sortit le grand jeu. Tu étais attendu. Dis, le sais-tu?!
Peut-être t'en moques-tu? Ou ce jeu t'est plaisant?! Peut-être.
Je suis allée noyer mon chagrin. Tuer ton absence en l'inondant de bruit. Mille clapotis. Eaux lacrymales et eaux de la ville mêlées. Une pluie diluvienne m'a peine touché. Un frisson. Sur ma peau. Sous la douche, j'ai trinqué à ta santé. Un grin. Et en fermant les yeux. Je nage sous les tempêtes bretonnes. Lentement, je deviens sirène dans l'eau de minuit. Et. Un battement de cils me ramène. Foudroyée par les engagements de la semaine. Dans un élan, renoncer. Annuler. Encore, toujours. Instable choix. Par orgueil, avoir accepté. Dans une poussée de fierté, d'être reconnue. Comme telle. Et se l'afficher vocalement. Par réseau de câbles interposé. Retour à l'expéditeur. Melle AA. Se défiler. Si peu de temps après. Pour quelques prétextes que se soient. Parce-qu'il faudra dire. Deux fois. Le même jour. Ressasser. Ne pas laisser la voix osciller. Et puis un troisème fois. Redire. Cette dernière sera multiple. Nul doute. Celle où l'âme n'a d'autre échappatoire que que de baisser les paupières. Clore les miroirs. Retenir les douleurs et la honte humidifiées. Pas de cordon téléphonique pour passer ses nerfs cette fois. A peine un mouchoir. Trop vite trempé. En miettes. Pas d'excuse administrative pour se planter dans le fauteuil. Le creuser de ses excédents pondéraux. Il faudra faire face. En tête à tête. Dans une semaine. Un mois. Un trimestre. Un an. Une éternité. Un battement de cils. Le pommeau parle pour moi. S'écoule. Et. Les larmes. Elles. Ne ratent jamais un rendez-vous. Reine de l'improvisation. Elles ne connaissent aucune retenue. Quelque soit le lieu. L'heure. Les circonstances. Leur présence détonne. Contrairement à leurs rouges sœurs qui elles aussi, omettent les prétendus incontournables redondances. Je le ferais peut-être couler. Le rouge. La violence de la purification sera la même malgré la divergence des procédés. Et des traces. L'envie m'en étreint le cœur. Me supplie tant que les barrages de la raison se fissure. Céderont-ils?
Je t'attends tu sais. A présent. Une couverture cache mon insoutenable circonférence. Le choc des douches est rude. Un supplice. Mais n'en dit rien. J'ai soufflé la bougie. Et, je t'attends. Fidèle au poste. Avec pour seul mouvement la chute des gouttelettes d'eau qui glissent de mes mèches de cheveux. Demain, peut-être, je serais ton hispano-italienne. Chevelure de boucles entrelacées. La tête dans le vide. Les yeux rivés au ciel que me projette l'espace de la fenêtre. Ouverte. Sur le monde. Le tien. Autre. Distant. Et si séduisant. Cependant. Inaccessible aux tièdes. Je t'attends. Malgré ce parfum qui trahit ta désertion. Je persiste. Chasse Morphée. Elle ne me distrait plus sans ces cavalcades chimériques. Elles ont fuit. Elles aussi. Alors immobile. Je m'impatiente. En silence. La nuit m'encercle de ses bras. Familiers compagnons de mes insomnies. C'est toi, que j'aurais voulu. Ce soir. Cette nuit. Des heures entières. Entendre ton rire fissurer mes certitudes. Abattre mes envies. Me laisser inerte. Blême de t'avoir trop veillé. Eclairée de tes soudains soubresauts. Illuminée de nos folies conjuguées. Mais ce soir. Tu m'oublies. Me renies. M'abandonnes.
Encore.

Je t'ai attendu. Toute la nuit.
Orage. Tu n'es pas venu.