Légère.
Il passe et repasse ses insaisissables doigts dans mes cheveux. Avec une douce fureur que je ne lui connaissais guère. Une chaleur enveloppante sous un ciel menancant. Troublant. Des mèches entières me masquent la vue. Mais je pourrais marcher les yeux fermés dans ces avenues là. Il me guide. Partout. Dans les ruelles adjacentes que j'ai foulé tant de fois à ses côtés. Toujours si proches et jamais entièrement abandonnés. Territoire défendu. Inconnu parfois. Que j'aime à découvrir en me perdant dans ses bras. Parfois seule, aussi. Quand il m'est hostile. Quand il prend les armes. Les devants. Les distances. Me toise de haut. Et me laisse perdue au milieu de la foule qui défile à folle allure.
La voix de Feist tempère les battements de mes pas sur l'asphalte. Me donne le temps. Entre deux respirations, de placer la mienne. Et la brûlure du sang dans mes veines se fait douce mélancolie dans la mélopée inaudible du vent, du temps et des gens. Inlassablement, il joue de fantasques comédies dans les rideaux de ma chevelure. Je le devine à peine par instant. Mes paupières glissent vers le bas. Dans un plaisir peu commun d'être là. Maintenant. De me sentir entière et en paix. Avec ce proche passé au creux des mains et des lendemains esquissables au lavis. Volatiles et touchants. Vibrants. Je vole. Légèrement au dessus du sol. Invisible surplomb. Un sourire mi béat mi serein barre mon sombre regard. Si souvent maître des lieux.
Je l'aime ainsi. Et ne lui demande rien de plus. Rien de mieux. L'embrasse ainsi. En sa totalité défaillante. Avec ses éclats sonores. Ses petites touches de couleurs pures et ses dominantes de pastels délavés. Sa changeante humeur et son incertaine saveur. Je l'ai toujours aimé. Sans l'ombre d'un doute. Depuis le premier regard. Les premiers échanges. Malgré les tumultes. Me délecte de l'observer. De le surprendre aussi. M'insciris pourtant en faux quand on me lie trop fortement à cette identité étrangère et accaparente. Encombrante parfois. Nocive en d'autres occassions. Pourtant. Chacun de ses petits riens. Invisibles lors des courses effrenées auxquelles je me livre de temps à autre. L'oubliant sans l'aumône d'un égard. Sont des émerveillements. Plus ou moins importants. Toujours émouvants si on prend le temps de les recevoir. De les débusquer en quelques occasions.
Là. Sous une pluie discrète. S'exalte les odeurs. Sable, végétations et goudrons. Un fumet de café un peu plus loin. Et s'accentue sa virile emprise. Et ma douce sousmission d'amoureuse sans concession. Nulle domination. Un complice don. Sa main se reserre dans la mienne pour m'accompagner dans cette fuite sans danger. Au retour programmé. Même si j'irais à reculons. Le délaissant pour les couloirs sombres et malodorants, bondés. Vers une autres destination. Avec une mise en scène dramatique. Pour croire que les trois coups résonneront de nouveau. Mais pour l'instant. Sous la pluie redoublante. A la cadence des pas. Du décor changeant. Je l'aime. Et je ne me pèse plus. Aujourd'hui tout n'est qu'offrandes. Je suis gâtée et ne refuse pas.
Plus loin. Sur un pont. Il s'amuse de plus bel de mes cheveux, ce vent. Et tend dans mon dos comme un écran digne des publicités. Je m'invente star d'une minute. Juste pour jouer à faire semblant. Pour le séduire davantage et me fondre dans ses murs. J'y mets tout mon coeur et me penche au-dessus de la balustrade. Tragédie urbaine et autres palabres de paillettes. Tremblante mais croyante. Et laisse valdinguer mes yeux comme mes cheveux. Mon coeur à la Seine. Qu'il repêche. Un peu froide tout de même la demoiselle. Intouchable. Inabordable. Ni très glamour emitoufllée de noir. Retranchée entre les notes de musique de Feist. A chaque gamme s'imprime un souvenir. Et déjà je le sais. Qu'à chaque écoute futur ses moments présents lui reviendront en mémoire. En images. C'est souvent ainsi. L'acide mélancolie. Rockeuse. Distillée et caressante de Feist. Se prête à merveille dans ce paysage banal et magique à la fois. Qui redessine les regards des enfants. Ebahis. Incrédules. Offerts.
L'odeur d'un Ange* imprégnée dans les fibres de ma chemise me parviennent soudain. Un rappel à la réalité. Au concret. A l'origine de cette soudain serenité. Ces belles heures. Et à la conscience. Que non. Ce n'est pas un rêve. Mais bien le fil d'une douce après-midi de mai qui s'étire à la lisière d'une soirée. Et l'annonce d'autres toutes aussi bienfaisantes. A cueillir. Donner et recevoir. Partager. Et qui s'achève seulement pour renaître.
Le regard fixe. Je rejoins le métro. Et disparais. Lentement. Marche après marche. Comme dans une scène de film. La place du Châtelet s'estompe. Et avec le théâtre, Lui. Mon éternel amant au bras, mon cher et tendre compagnon d'errances et de folies, de rêveries, mon intime et indispensable Paris.
Un 11 Mai 2007.
La musique au creux de l'âme. Comme autant de portées à parcourir.
Paris au creux de la main. Foulé au pied avec passion et reconnaissance, innoncence.
Et un merci au creux du coeur pour ces Anges* qui s'ignorent
et redonnent vie l'air de rien.
Ouvrent le coeur et les yeux sur ce qui bat presque malgré soi. Mais avec douceur dans ces moments là.
Merci *