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(Tout) et n'importe quoi.
18 septembre 2009

C'est vrai que je ne suis ...

Getting_thinner_by_afiharaVoilà des jours que j'essaie d'écrire ici. D'écrire vraiment. Les mots ne s'alignent que dans mon cahier dont la couverture colorée et parisienne ment sur son contenu. Quel numéro porte ce carnet ? Il y en a tant depuis le rouge que m'a offert et dédicacé un ange, le jour de l'été 2001. Je devais y écrire de belles choses. Elles sont plus souvent sombres et sales que belles. Le reste des mots n'est que silence. J'oscille entre les dires des autres, les citations qui bien souvent m'attrapent ou m'écorchent le cœur. Le verbatim qui me hante depuis des jours me vient de Colum McCann : " Personne ne tombe à moitié ".


Oui, je tombe. Je le vois à chaque instant, mesure les centimètres de chute à l'aide de mille petits signes, mille petites sensations et autres réflexions ou inactions. Un manque de révolte. Un peu plus de consentement. Je tombe de nouveau, devrais-je préciser. Et pourtant, je vis d'un jour sur l'autre, encore. A regret souvent. Quelque chose me pèse sur l'âme et obstrue la route à la sensation de bien-être, de plaisir, de simplicité d'être. De bonheur. Je badine, ris, converse, travaille, réponds aux attentes et besoins, alimente les projets que l'on formule pour moi sans que je m'y oppose toujours. Je vis, d'un jour sur l'autre. Mais n'y suis pas vraiment. Cela me trahit parfois.
Et je n'ai pas envie qu'on me parle, qu'on me touche, qu'on me réclame non plus. Même pas qu'on me regarde et qu'on me considère. Je n'ai pas envie que l'on ait besoin de moi dans sa vie.
Pas envie qu'on me sache, non plus. J'ai seulement le désir d'être sur la touche, sur le côté, en retrait. Comme intouchable. Libre de mes fuites. Transparente et remplaçable.

Ce qui est revenu, c'est l'obsession traduite en actes et la distance grandissante. Cette focalisation de l'esprit sur les interdits, les buts à atteindre pour me délivrer tant d'un poids chiffré que d'un fardeau invisible aux cœurs nus. Ce refus des désirs profonds, du déploiement du corps dans l'espace, de l'être. Cette incapacité à m'envisager une vie, à la construire, à voir loin. A en vouloir. Peut-être à vouloir être demain, encore. Je me replie au creux de l'unique valeur qui tient encore lieu pour moi de refuge. Le seul dans la tourmente de mon existence chahutée, vaine. Un peu trop sombre alors qu'elle connaît tant d'éclats. L'Effacement., la nécessité de m'effacer Lui seul demeure indétrônable, sensé, motivant. Là, je me sens bien, tranquille. Forte peut-être. A ma place, sans l'ombre d'un doute. Bien au-delà de l'envie, il s'agit d'un besoin vital de disparaître. J'excelle dans l'art de me faire du bien, en me faisant mal.

J'écoute M. Pain depuis quelques jours. Et sa chanson qui me touche autant qu'elle me perturbe. "Celle de mes 20 ans". Un jour je m'accroche à ses mots,  plainte désespérée à un dieu qui n'existe pas, à l'injustice ambiante, réponds "oui, je voudrais être celle de mes 20 ans". C'est-à-dire celle des 36 kilos, celle bornée dans l'auto-destruction, souffrante certes mais certaine de ses choix qui n'en sont plus. Celle qui avance, même vers le néant, qui a un but. Un sens. Celle qui se sent vivante, paradoxalement.
Un autre jour, un autre instant, je réalise que "oui, j'ai changé." sans savoir en quoi, sur quel point, comment. Puis, doute, hésite. Avance et recule. Je ne suis dupe de rien. Je sais que la vie recèle des beautés sans égal. Certaines personnes ont une valeur inestimable à mes yeux., une indéfectible importance et grandeur. Quelques instants, la lumière d'une aube, un souffle d'air suspendu, un rire d'enfant, la douceur d'un thé, la mélodie de quelques chansons, il y a de la beauté dans toutes choses. De la magie. Dans les êtres surtout, les âmes. Les leurs. Et  dans les bonheurs du quotidien, les grandes nouvelles qui chamboulent leur existence. Je ne suis pas insensible ni aveugle. Je me réjouis ou souffre avec ces âmes de ce qu'elles vivent. Pourtant. Je pourrais. Voudrais. Me soustraire de tout, sans un regret, sans un souffle d'hésitation.

Reine de la vidange depuis quelques jours, quelques semaines, face à un frigo occupé par le vide, par des liquides noirâtre ou doré et à bulles, uniquement. Depuis deux mois environ. Face à la culpabilité et aux comprimés rassérénant, par plaquettes entières, de toutes les formes et couleurs. En surdosage, toujours. La balance au milieu du salon, allers et retours. A la litanie des ordres, les siens pour les miens. Les projets auxquels je ne crois plus, comme aux promesses. Les vêtements qui flottent. Joli mouvement vaporeux autour de ce qui ne l'est pas, joli. Ce ne sont pas tant les échos matériels, palpables qui me signifient la rechute. Ils ne sont que décorum. Mais ce sont tous les silences qui abritent un mode de pensées, de fonctionnement que je connais déjà trop.
Quelque chose s'est brisé, à nouveau. Une digue, un pont.

Oui, j'ai changé. Mais en quoi ? Je ne le sais pas vraiment. Tout ce que je vois, c'est  qu'aujourd'hui, j'ai la conscience du mal que je m'afflige. Je ne suis plus  celle manipulée et aveugle de mes 20 ans. Je connais les mécanismes, les pistes glissantes, l'étiolement des sensations et l'effilement des cordes qui retiennent ici-bas. Je pourrais, non, je devrais avoir appris à crier en dix ans de cohabitation malsaine, aimée et haïe, à refuser ce mal que je me donne.
Il n'en est rien. Pour une seule raison : j'en ai besoin. C'est ma façon de vivre, d'attendre en maître que mes jours touchent à leur fin. De survivre dignement à ma vie.


"C'est vrai que je ne suis plus
Celle que j'étais.
Est-ce moi qui ait changé ?
Qui ait changé vraiment ?

Je ne suis plus celle que j'étais
Mais suis-je meilleure plus va le temps ?
Suis-je une femme ou une fille qui essaie
Et qui échoue, lamentablement.
Et mon regard dans le miroir
Est-il plus profond à présent ?
Peut-être est-il un peu plus noir
Depuis qu'il ne s'ouvre plus en grand.
Voudrais-tu celle de mes 20 ans ?"

Photo : Afihara
Extrait : "Celle de mes 20 ans" - Mélanie Pain
Citation : "Et que le vaste monde poursuive sa course folle" - Colum McCann - Belfond 2009
Musique : "City Vapors" - Wax Tailor
Humeur : Indéfinie

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Commentaires
A
Effectivement, tant de questions se posent sans trouver réponses. Ou pas immédiatement. C'est aussi pour ça qu'il faut continuer, pour l'espoir de retrouver ses propres réponses, de saisir même de façon éphémère.<br /> <br /> Merci pour tous vos commentaires. Une touche de chaleur.
C
Je comprends tout à fait ce que tu veux dire "si mon existence cessait demain, cela ne me peinera pas"... Comme je l'ai dit ou pensé tant de fois "il n'y a point de tragédie dans tout cela, juste une constatation logique. Certains sont fait pour vivre. Moi je n'en fais partie. Point à la ligne, ne nous affairons pas là-dessus".<br /> Pourtant... tu es encore en vie. Je suis encore en vie. Pourquoi ? (bien entendu, je ne pose pas la question pour avoir la réponse, tu l'auras compris) Je suis sûre qu'il y a tout de même une réponse...
A
suis pas froissée.
M
Je ne me suis pas arrêtée au chiffre, m'en suis juste servie pour tenter de dire ce que je pense. <br /> <br /> Je ne sais pas si je te comprends et je ne veux surtout pas te froisser en enchérissant, mais je ressens aussi ce dont tu parles, à ma manière. Je le pense et le crois encore trop fortement. Et à ça, je n'ai pas de contre argument. <br /> <br /> PS: je reprends à la lettre ce qu'écrit Appoline > "Tu écris comme rarement les écrivains contemporains le font. Ne lâche pas ce qui te tient encore un peu. J'y crois et ne suis pas la seule." +1, je le pense depuis longtemps, bien avant l'échappée.
A
"On peut s'aimer. S'abandonner. Mais ce n'est jamais suffisant." H.S.
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