Saint-Pierre. 21.03.06
Tu sais, petite brune. De ta vie, beaucoup aurait pu faire quelque chose. Tu avais tout pourtant. Tant te l'ont dit, démontré. Pourquoi n'as-tu su ou pu ouvrir les yeux? Les mains. Et saisir. Dis-moi, pourquoi ? Est-ce si compliqué? Tant d'autres avant toi. Tant d'autres en même temps que toi. Tant d'autres après toi. L'ont fait. Le font. Le feront. Et toi. Toi, non. Inutile de renâcler, tu sais tout ce qui était à ta portée. Des pleines armoires. De grands espoirs. Des mots tus. Des impatiences avérées. Tu en as croisé des Êtres de Lumières, des Soeurs en éclaireuses, des aurores au creux de l'orageuse nuit. Dis moi, pourquoi ? Ils ne retiendront que ta désertion. Tu n'en doutes pas ? Les combats, ils les ignorent. Que tu aies eu, ce que tu nommais "faiblesse", de repousser l'Adieu aussi. Pour une fête. Pour un article promis. Pour un rendez-vous. Pour un retour provisoire dans les maternelles jupes. Pour une sonnerie de téléphone. Pour les épargner, ce n'était pas le bon moment... Pour ... Pour ... Je t'entends encore pester. Face à face dans le blanc des yeux. Injectés de sang. Bien souvent. T'injurier. Te renier. Un à un démonter les arguments. Aligner preuves, échecs, incompétences, fuites et autres ribambelles d'angoisses, de poisses. Une à une entailler les chances survivantes. Docilement te murer dans un silence hésitant entre rouge et noir. D'ici, je t'ai vu. Tes cris se sont tus. Je ne sais, en revanche, qui de vous a mis sa main sur ta bouche. A étreint ton coeur. Meurtri ton âme. As indiqué le chemin qui t'éloigne de toi. Mais. J'ai vu. Retenu un cri, aussi. Habile de tes mains, fines. Quelque peu épargnées par la propagation graisseuse. Dis moi, pourquoi ? Il t'a dit, pourtant. Elliptique, certes. Tu as compris. N'as pas retenu. Pas pu. Ils ont tenté. Encore et encore. S'essoufflent, par ta faute. La réanimation était éphémère. Même si tu n'as pas menti. Vraiment aimé. En restera-t-il des traces ? Le lipstick sur leurs joues. Dis, petite brune. A quoi penses-tu ? Aux douceurs volées avant l'heure? A celles jamais déposées ni même goûtées ? Sursaut du coeur dans le fond de tes yeux. Une larme. Dis-moi, pourquoi ? Tu coules avec elle. Au lieu de naviguer sur ses vagues. Tu ne simulais pas. As honnêtement sourit. Accepté les rencontres sans croiser les doigts. Alors, pourquoi ? Dis-moi, petite brune. Leurs angoisses te touchaient réellement quand tu remontais à ma surface. Lisant leurs inquiétudes. Toujours la mort qu'ils sentent au bout de tes doigts. Pansant leurs plaies de tes bouts de ficelles. Tu te voulais magicienne peour Elles, pour eux. Certes, petite brune, tu n'as pas su. Combien de fois, tu t'en es voulue. Je l'ai lu dans ton soubresaut. Ils ne méritaient pas ça, grondais-tu. Ne mériteront pas ça non plus. Toi, seulement. Egoïstement. Être la source d'une douleur, d'une crainte, tout ce que tu voulais éviter. Non, je ne crois pas que ton absence sera invisible. Pas au dbut au moins. Et pourtant, tu n'as su les rejoindre. Et pourtant, tu n'as su rompre la corde. A tes pieds, des lests. Chaque heure. Chaque silence. Chaque larme. Chaque devoir. Chaque incapacité. Toute ton impuissance. Le ciel bleu qui se refuse à Elles, à eux. Un poids. Dis moi, pourquoi ? Toujours encre et sang coagulent. Toujours un homme à la mer. Tu as nagé, pourtant. Etait-elle si loin, la rive ? Les rames si courtes ? Les respirations baignées d'eau de mer ? Ils n'en savent rien. S'en moqueront peut-être. Les faits prouvés seuls se gravent. Ils n'ont rien vu. Dis-moi, pourquoi ? Tu n'as rien dit. Ou presque. Jamais assez. Petite brune, qu'aurais-tu pu faire. De toute cette vie. Du bout des lèvres, goûtée. Recrachée aussi. Etait-elle périmée. Avant même d'être consommée. Dis-moi, pourquoi ? Ce qu'ils en penseront... Bien sûr, tu l'as envisagé. Reniée, peut-être. Reléguée. Incomprise. Méprisée. Ou priée. Dis-moi, petite brune, sais-tu que tant d'autres. Sous de lointaines latitudes. Sous un amas de cartons. En auraient voulu. De cette vie là. Précisément. De celle que tu ne sais mener. De celle que tu as abandonné. J'ai essuyée quelques unes de tes larmes. Une ou deux nuits de suite. Tu n'as pas frémir au contact de ma main. Ailleurs, déjà. Dans tes hémorragies, cette existence, te quittait. Il y en avait trop. Trop souvent. Je ne suis plus revenu. Des heures au soleil. A tenter de la fixer sur ta peau diaphane. Perlée d'accents du sud. De longues minutes en enfilade. Egrener le chapelet de tes combats. Une victoire pour cent défaites. L'épée était trop lourde. Nul doute. Assommée. Transpercée. De part et part. Laissée pour morte dans les champs minés de la survie imposée. Et tu as rampé. Ils le verront petit brune. De leurs propos yeux. Des cicatrices. Sur tes genoux. Tes bras. Te pincer ne suffisait plus. Tu n'y croyais plus. Ce ne pouvait être qu'un cauchemar. Couper. Pour vérifier. Se réveiller. Enfin. Dis-moi. Tu l'as cherché. Ne l'as-tu pas trouvé ? Cette vie. Ta vie. Dis-moi, petite brune. Pourquoi l'as-tu perdu ? Pourquoi c'est trop tard maintenant ? Pourquoi plus personne ne pourra plus rien ? Pourquoi tu n'as pas retenté ta chance ? Pourquoi tu n'en as pas laissé à la force des autres ? Pourquoi as-tu tout stoppé? Tout abandonné ? Tout coupé?
Ô, petite brune.
Garde tes secrets.
A présent.
Tout est fini.
Maintenant.
Ô ma petite brune.
Pourquoi la vie était-elle si habilement cruelle ? Dis-moi, Saint-Pierre. Pourquoi?
Pour toute réponse, il a baissé les yeux. Et m'a ouvert la porte.
By Sophie Thouvenin.
With Lily'Ush.