Petite.
Petite. A jamais. Bloquée vers 6 ans. L'âge sans la raison. Mais avec une pointe de jugeotte. Un petit sens qui s'éveille. Celui d'être de trop. Déjà. Partout. En tous lieux et toutes circonstances. J'en suis là. 6 ans. Et les joues qui deviennent cramoisies en la moindre occasion.
Une fois encore. La regarder. Aligner trois mots tremblants. Sans autre bribe de conversations que du vide. Se prendre de plein fouet des compliments faux. Et demeurer stoïque. Rougissante à souhait. Devant la cohue et son sourire. Jamais je n'y arrive. J'ai 6 ans. Je sue à grandes eaux la honte dont la source ne se tarit jamais. Il y aurait tant de choses à dire. Mais se serait plat. Malvenu. Inconvenant. Risible. Des oreilles qui traînent. L'agitation. Et le vide que je répands comme la peste. Je ne dis rien. Et fuis. J'ai 6 ans. Subjuguée. Et de trop. Détonne dans le décor. Plie. Faible.
C'est ça, dis au revoir à la dame. Et cours te ruer de coups dans une cabine d'essayage. Honte. Haine. J'ai 6 ans. Des caprices, dirons-nous. Liquéfiée devant une amie. Parce-que oui, les étapes sont franchies. De sa bouche même. Bien plus encore. Pauvre petite stupide. Sans les jupes des grands. Parodie des vies d'adultes. Mais ne grandit pas. Toujours plus bas. En tous points. En dessous. Minable et misérable. C'est ça, vas-y, pleure maintenant. Ton masque de grande fille se dissout.
Je voudrais être grande et regarder droit devant. Foncer. Et me laisser vivre. Et assumer. Être adulte. De mon âge. Sans qu'une petite fille de 6 ans ne tire toujours sur le bas de la veste. Me tire en arrière. Je ne suis qu'une petite fille. Aux yeux de tous. Parce-que je ne sais que faire de moi-même et me perds. Besoin d'un temps infini et consécutif pour lâcher prisse. Je suis toujours la petite fille ridicule qui tord ses doigts. Mais le stress d'être est là. Demeure. D'être tel que je le devrais. Mais comment, au fait ? Naturelle ? Mais je ne sais pas qui je suis. Je ne peux être naturelle. A part cette petite fille de 6 ans dans le corps d'une de 23. Et je déteste ça.
Il faut se rendre à l'évidence. Je suis morte quelques années en arrière. Et plus rien ne pousse en moi que des résidus d'une vie pas si idyllique perdue. J'ai 6 ans. A jamais. Et j'en suffoque.
J'ai 6 ans. D'esprit. Plus de corps. Trop de kilos. Trop de centimètres. Les crises d'angoisses remplacent les pieds qui martèlent le sol. Les cris. Mais j'ai 6 ans. Et je ne grandis pas. En rien. dans aucun domaine. Je stagne. Voire régresse. Juste un costume un peu trop grand. Je m'y noie souvent. Dans une mer de larmes. Coule. Crève. Et qu'on en finisse.
J'ai 6 ans. Et une carte bleue. Qui a faillit connaître le rouge. Happée par le stand "Emily the Strange" des Galeries VO. Caprices. Je veux tout !! Les tee-shirt. Les boxers. Et autres sacs. C'est beau. J''aime. Enfin dans l'instant. Je suis en colère. Une noire opaque et dense. Je tape du poing dans les côtes. Je veux !!! Je suis aussi folle qu'Emily. Avec ma panoplie grandissante de cicatrices. Mon chemiser cache coeur noir et mes cheveux déployés. En accord parfait. Folle pour folle que crisse la carte bancaire sur les Grands Boulevards parisiens. J'ai 6 ans. Je pleure dans les rayons. Le mascara noir dégouline en longs lambeaux sur mes joues trop grosses. Version gothique. Tombe sur ma main une boule de haine. Elle stoppe le geste. J'ai 6 ans. Une carte bleue. Certes. Mais ne mérite rien. Pas un centimètre de plaisir à travers le dégoût. De quel droit. J'ai des cadeaux à faire à ceux que j'aime. Noël. Emily est fine. Moi pas. Juste folle. Rien ne m'irait. Il faut mériter. Je pars en courant. Verte de rage et de haine. Taper plus fort un peu plus loin dans le confins d'un studio pourrit.