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(Tout) et n'importe quoi.
8 décembre 2007

Décembre.

deco_nonoIl a fallu que je me persuade cette année. Plus que d'habitude. Et mettre toute la bonne volonté de ma mère à mon service pour accrocher, comme il se doit, les décorations de Noël. Celles qu'elle me fabrique d'année en année. Plusieurs heures après l'appel maternelle et cette évocation de décembre, elles sont en place. Cependant. Il leur manque un brin de magie, de rires d'enfant, de regards émerveillés ou attendris, de saveurs.
Nuls griefs contre cette tradition, cette part de fête que l'on prépare dès les premiers jours de l'Avent. Mais. Je me demande. Pour qui ? Pour quoi ? A présent, pourquoi ? Où est ce temps où Noël avait un sens ? Où on se faisait une fête de ce jour tant attendu. Et pas seulement pour les cadeaux le matin, quand mon frère et moi rompions nos grasses matinées légendaires pour débouler dans les escaliers et tomber des nues devant les piles de cadeaux. Il y avait toutes ces journées entre automne et hiver à jouer dans la neige en parlant des invités conviés, de la soirée annoncée, des cotillons et des surprises, de la lettre au Père Noël. A nous gaver de décembre, les fesses claquant sur nos luges en bois, héritées de mon père et ses quatre frères et sœurs. A dévaler les pentes dans champs voisins d'où avaient disparu les vaches. Les heures à empiler des flocons blancs, pour un igloo, pour un bonhomme décoré d'une carotte et de trois boutons de charbon. A sourire de toutes nos dents de lait encore en place à l'objectif de l'appareil photo dont ma mère était l'unique maîtresse. Et ces récompenses chocolatées en écoutant les Grosses Têtes sur RTL, en rentrant de l'école. Les yeux rivés aux guirlandes vieillottes de notre Tante alors que la tartine de confiture de groseilles se détrempait du lait d'un bol débordant. La chaleur étouffante du feu pour apaiser la brûlure du froid sur nos doigts dégantés de leurs moufles si peu pratiques pour les bagarres de boules de neige. Il y avait la préparation des repas festifs. Et cette immuable réponse des années durant à la traditionnelle question : que veux-tu manger à Noël ma puce ? Des escargots, disais-je la mine réjouie à l'idée de passer des heures aux côtés de ma mère à remplir les coquilles vides. A les déguster, avide, ensuite. La ferveur des prières, le renouveau de la foi, avant le grand jour. Et, ces séances de bisous d'anniversaire à mon père, Petit Jésus survivant aux fatidiques 33 ans. Petite fille aimante et collante. Ces rires, les guirlandes défraîchies dans les mains, à se hisser sur la pointe des pieds pour les placer tout le tour du sapin. A prendre soin de l'arbre, tous les matins. Arroser le sable qui entourait son pied pour que ses épines résistent à l'air confiné de la cuisine. La mousse que nous allions ramasser dans le lit des ruisseaux sauvages pour dresser le décor autour de la crèche. De la sciure conservée depuis des mois de travail du bois dans l'atelier de mon père, pour tracer le chemin jusqu'à la petite grotte sainte. Que reste-t-il de cette soirée, où serrés contre mon père, mon grand frère et moi, jouions à croire que le Père Noël existait réellement, malgré la proposition de ma mère de nous offrir nos cadeaux avant l'aube, avant minuit ? Cette soirée où s'envolent nos vies d'enfants que l'on retient et repousse à la fois, à cet âge là. Trop pressés d'être grands. Que demeure-t-il de nos rêves puériles mais si chauds à nos cœurs ?
Aujourd'hui, il n'y a plus personne pour partager cela. Pas d'enfants à émerveiller à la nuit tombée. Pas d'amoureux à noyer de tendresses et de chocolats. De petits gestes au quotidien. Personne à qui donner envie de voir au-delà des cadeaux, pour faire des boules de neige. Personne à faire rêver. Et j'ai peur de perdre jusqu'aux souvenirs de cette douceur hivernale. De ne jamais pouvoir l'offrir à mes enfants. Et quand j'arrive auprès des miens, dans cette immense maison dont je me dis aujourd'hui que je n'aurais pas pu en faire les murs de mon adolescence si les choses ne s'étaient pas passées ainsi, tout est fait. Les cadeaux factices trônent toujours aux mêmes lustres. Les courses et menus sont fait. Et au 24, les préparations virent toujours au pugilat dont je suis la cible number one depuis quelques années, sans réelle raison. Les escargots ont disparu de la carte. Je ne peux plus. Je tue encore et toujours ces petits riens qui faisaient mes souvenirs. Sous la puissance des mes angoisses. La famille prend des allures de prison en quelques heures. Cercle trop restreint sans air frais. Sans horizon. Les invités ont disparu et n'invitent pas non plus. Le passé s'étiolent d'année en année. Dans ce quatuor, je vois la petite fille perdue à jamais et celle que demeure, à la fois. Par la force des choses, des gestes de mes parents. Et l'alcool colore les yeux. Donne de l'amertume à ma mère qui, bien qu'au fait de ce que sera la soirée, ne peut contenir sa colère et sa déception, face aux yeux de son ex mari décalqué. Les cadeaux que je trimballe. Dans mon esprit depuis des mois. Dans mon sac depuis des heures et des kilomètres tombent dans l'impersonnel ou à côté des envies des silencieux destinataires que je ne voulais que choyer. Et au fil des jours, je rêve de partir. De quitter ces jours sans neige et sans magie. Nous n'y arrivons plus. Ce n'est pourtant pas faute d'essayer. De le vouloir. Mais les choses se brisent. Se meurent. Malgré nous. Petites comédies où l'on met tout notre cœur mais qui ont perdu leur fraîcheur innocente. Même en ces jours de Fête. La petite fille est morte et n'a pas laissé d'étincelle dans les yeux de celle qui lui succède. Et. Ca fait mal.

J'aim'rais m'réveiller sans mémoire
Redécouvrir c'que j'peux plus voir
J'ai écrit une petite annonce
Un mois déjà : pas de réponse

Cherche regard neuf sur les choses
Cherche iris qui n'a pas vu la rose
Je veux brûler encore une fois
Au brasier des premières fois

Renan Luce. L'iris et la Rose.

 

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Commentaires
E
Je crois que Noël n'évoque pour moi que de mauvais souvenirs... J'essaye en vain de me rappeler de la féerie des Noël de ma petite enfance... Mais les noels qui ont suivi sont tellements nombreux et d'une tristesse affligeante grandissante, que la féériefait place au malaise... <br /> tes quelques lignes sont très belles... merci
M
ne pas perdre ces souvenirs. ne pas les effacer. car ils prouvent que les bons moments existent. et peuvent, bien sur, revenir.<br /> (à toi de les recréer, quitte à dormir des journées entières d'épuisement après, mais essayer :) )
B
Je ne crois pas, non, qu'elle soit morte cette petite. Le dialogue est difficile avec elle, mais elle est encore : emmène la pour des promenades, main dans la main, et dîtes vous des choses au creux de l'oreille.
A
Bises. Ils reviendront peut-être dans ta mémoire.
L
J'ai oublié les Noëls d'enfant... Et on a beau regarder les photos, en famille, mes parents me racontant, je ne me souviens de rien. Alors au moins je peux me nourrir du tien, un peu.<br /> ;(
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