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(Tout) et n'importe quoi.
22 juin 2008

[ ... ]

The_Last_Breath_By_ElifKarakocAlors je suis montée. Et sans détourner les yeux, j'ai regardé. J'ai fixé droit en face de moi. Je me suis regardée. Moi, et ce corps. J'étais montée pour ça. Pour regarder. Un pied. Puis l'autre. Sur l'abatant rabaissé des toilettes. Le miroir dans l'axe. Je me suis alignée. Il fallait que je sois en face. Pile. A la hauteur. A la parfaite verticale, parallèle. Sans qu'aucun angle incliné ne viennent modifier le reflet. Il me fallait monter, pour regarder. Pour me regarder vraiment. Une fois pour toute. Alors je suis montée. Il ne fallait plus de ce mensonge là, celui des angles avantageux. Des coups d'œil, qui, à peine, jetés, étaient repris. Des impressions fugaces dans les vitrines. Je me devais de regarder. J'avais tout enlevé. Préliminaires au supplice. Rien ne devait masquer l'état. J'ai tourné. Sous toutes les coutures. Pour mesurer.
J'étais là-haut. Perchée. Et j'ai regardé. J'ai tracé de mes doigts les contours de ce corps que je ne voulais pas reconnaître. Me suivant des yeux. M'épiant. Tentant de me rassurer, pour continuer. Terminer le travail. En finir de cet état des lieux laborieux. J'étais montée pour cela. Les sensations jusque là repoussées ont rejoint la réalité des faits. Des états. Double preuve des sens cumulés. Indéniable.
Je le savais. Je l'avais aperçu, quelques heures auparavant, à peine. Je le sentais depuis quelques semaines déjà. Mais je ne voulais pas y croire. Je ne le pouvais pas. C'était beaucoup trop douloureux. J'avais fermé les yeux sur les faits trop lourds.
Mais voilà, cette fois, j'étais montée. En sueur. Encore tremblante de ce rêve qui n'avait rien de chimérique. Juste un reflet obsédant qui m'avait poursuivi derrière mes paupières closes. Cela fait des semaines que ses dérivés hantaient mes courtes nuits. Alors, levée, j'avais décidé d'affronter le miroir. Pour une fois. Une fois pour toute. Et pour cela, pas d'autre possibilité que de monter là, sur la cuvette fermée. De tout regarder, détailler, dans sa globalité.
J'étais montée pour cela. Juste pour cela. Pour voir. Et j'ai vu. Tout. Trop.
J'étais enfin montée. Je ne devais pas redescendre avant d'en avoir fini. Je ne suis que tombée.

Je ne suis pas de celles qui auront su faire de ce passage de leur vie, une force. Un élan. Malgré mes espoirs, mes efforts et mes prières murmurées du fond de mes draps. Il me reste souvent de cette histoire un sentiment d'échec. La sensation non pas d'avoir vaincu, mais perdu. Pour gagner si peu ensuite.
De m'être perdue. Un manque et une profonde honte de ce que je suis à présent. De ce corps que je porte. De toutes mes failles qui ne mènent à rien. Quelques fois, j'ai le sentiment que c'était mieux avant. L'impression d'avoir perdu un succès si chairement acquis, et avec lui la revanche que j'avais prise sur moi-même et sur mon passé. Nostalgie, non pas de l'anorexie. Mais de l'anorexique. Du corps anorexique. De la force d'alors, indépendante et solide. Bien sûr, il y a la chute, ensuite. Bien sûr, c'était une victoire mensongère.  Elle tue plus qu'elle ne porte. Bien sûr. Et pourtant ...

The Last Breath By ElifKarakoc.

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Commentaires
C
Nostalgie oui... De l'anorexique. De cette carapace, dont on a si besoin encore malgré les avancées. Et qu'on redoute plus que tout de retrouver. Puisqu'en effet on ne souvient plus de celle qu'on a été avant. Et qu'on ne sait pas encore celle qu'on est devenue. La voix de l'anorexie une ombre sur la vie qui ne se tait jamais vraiment mais qu'on laisse parler parce qu'elle empêche d'écouter le reste. Une compagne de route qu'on doit jour après jour apprendre à quitter parce qu'on sait qu'elle n'apportera rien. Qu'elle n'a été qu'une étape. Maître et esclave. Esclave et maître. Je ne sais plus.Je crois seulement qu'on s'en sortira, même si la route est longue est épuisante.Que tout ce que l'on a perdu ne l'a pas été pour rien.<br /> <br /> Je t'embrasse fort... vraiment...
A
Oui, cela s'apprend à voir que le contrôle du corps n'est qu'illusion sur le contrôle de la vie. Je ne sais plus comment j'ai fait la part des choses, alors je ne pourrais pas t'être de -bons- conseils. Si tant est que je puisse en avoir parfois.<br /> Je sais seulement qu'il faut oui, faire la part des choses. Au risque, sinon, comme moi, de se tromper et de tout effacer de soi. Et en voulant guérir à tout prix, en croyant que tout était faux, en ayant pas su voir les nuances, j'ai tout jeter à la poubelle : voix de l'anorexie et restes d'identité. Après, il ne reste plus rien, et on ne construit pas sur rien. Il faut apprendre à trier, sans doute, à accepter peut-être celle qu'on a voulu changer avec l'anorexie, pour guérir vraiment. Peut-être bien.<br /> Je sais pas. Plus.<br /> Sauf que moi j'en peux plus, que j'ai tout perdu et que je n'arrive pas à vivre. Et que je rêve de la fin.<br /> <br /> Prenez bien soin de vous, toutes.
C
Foutu besoin de contrôle, illusion de contrôle...<br /> On croit qu'en maitrisant son corps on maitrise tout.<br /> Et qu'en perdant le contrôle de sa bouche on perd le contrôle de tout.<br /> Il faudrait réussir à se défaire de cette idée.<br /> En tentant de remonter la pente, autrement que par l'image du corps.<br /> <br /> C'est dur, je sais.<br /> J'essaie, pour ma part. Même si la voix ne me quitte pas.
A
mes conneries serviront au moins à quelqu'un ...
L
Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais cette fameuse quête d'identité, j'ai commencé à la "sentir" quand je me suis résolue à penser en terme de "je suis" et pas de "je dois/devrais être comme ci". Je crois qu'on pense longtemps devoir quelque chose à l'autre, les autres, en étant. Alors qu'en fait, les autres n'en attendent pas tant que ça. On s'impose une rigidité de dingue pour être parmi les autres alors que c'est avec soi-même qu'il faut se sentir à l'aise. Hum, j'ai du mal à m'exprimer :)<br /> Quoiqu'il en soit, cette quête d'identité n'est pas évidente, ça c'est clair ! Mais je crois qu'il ets positif de se rendre compte de ce que ça implique, plutôt que de vivre dans une sorte de demi (ou pas du tout) conscience du soi-être. Lol, je m'emballe, au dodo Laeti !<br /> Mais merci de me faire réfléchir :)<br /> Bisouss
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