Des vents contraires.
Le tout a un goût de trahison. Un lent poison inoculé aux premiers mots tendus quand il s'était approché pour les quémander. Les dès ont toujours été pipé. Je n'ai jamais été à la hauteur, jamais été un égal. Juste un outil. Et cela me va. C'est moi qui ait donné les règles du jeu. Le tout cède au retour poisseux de ma lâcheté, qui englue mes presque légitimes protestations nourrie d'une solitude sans fond face à cette amitié qui s'étiole. A force d'avoir la faiblesse de me taire, reviennent en rafale les déflagrations et l'incompréhension face aux bribes de mots enfin murmurés. Il ne fallait rien dire, je l'ai toujours su. Je n'aurai pas du écouter les "il faut", ils mentent autant que moi. L'effort d'appeler au secours, avec toute la maladresse qui me caractérise, n'aurait pas du être fourni. Il s'en moque de mes mots tant que j'écoute et répond à ses maux. Les console. Son indifférence et ses reproches me sont revenus comme un boomerang en plein visage. Cisaillée. Il avait perdu l'habitude de m'entendre utiliser le "je" dans la catégorie confessions. Il ne sait plus que m'opposer ses contestations et son "je" en guise de réponse aux rares miens et à tout aussi rares aveux de besoins. Il ne me voit plus qu'à travers lui, à force de ne plus entendre parler de moi. Je ne lui en veut pas. J'ai juste un peu mal. Un peu plus. Je me perds sur tous les bords, plus seulement dans mon regard, mas aussi dans ses yeux. Comme dans ceux de tant d'autres. Les plaies s'élargissent dans mon cœur de poltronne déséquilibrée. Emprisonnée entre ma couardise, mon rôle huilé, mon incapacité à crier, à gonfler le torse et les habitudes que je lui ai donné d'être le support à son "je", pas une incarnation à part entière du mien, je reste interdite. Pas un mot plus haut que l'autre, je me tapisse dans le décor de peur de le voir s'effriter. De rayer de mes larmes ses sourires, de lui voler ses sombres épanchements en énonçant ponctuellement mes douleurs pourtant quotidiennes, même si j'aurais été, ce jour là, la première à me risquer à l'honnêteté. De peur de me retrouver plus seule encore, peut-être bien. Au nom de cette fidélité dont je me gargarise souvent. Le tout a un goût amer et vire à l'indigestion.
A l'auto-indigestion.
&
Et j'vais me dire que c'est pas grave
Que c'est juste un mal comme un autre
Que tous ceux qui m'aiment le savent
Et se disent pas que c'est ma faute
Mario Pelchat - Linda Lemay.
Pix by Suo Me.