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(Tout) et n'importe quoi.
24 août 2009

"Ernestine, tu entends des voix, reste digne."

then_I_became_human_by_koksuelJ'ai fermé les yeux. Pris une grande inspiration. Baissé mon pantalon et ôté mon tee-shirt. Ce n'était pas le moment de défaillir. Ni celui de plomber l'ambiance légère, bordée de jeux d'enfants et de soleil, de mes doutes et mes angoisses. Le ressac mélodieux. Le soleil au rendez-vous. Un petit coin de paradis et des désirs de bien-être formulés à mon endroit.
J'ai regardé droit devant. Toujours. Le regard sur l'horizon. Toujours. En laissant glisser les tissus. Droit devant, au large, pour oublier tout ce qui se mouvait à chacun de mes pas. Tout ce qui dépasse d'une ligne tracée et envahie par les excès. Pour oublier jusqu'à la possibilité de courir en arrière et de me rhabiller. De calfeutrer ce corps derrière de blêmes stratagèmes qui ne me dupent plus. Qui ne me rassurent pas. Ne sont qu'une illusion. Il a fallu lutter pour rester dans ce plus simple appareil de la honte.
La mer était bien trop froide pour y noyer longtemps ce corps frémissant. Plus qu'un corps, une masse. Il fallait ressortir, se mouvoir, s'exposer, debout ou étendue. Faire comme tant d'autres autour de moi. Le dégoût en plus. Ne pas se renfermer dans le mutisme non plus.

J'ai vu une série de photos de ce triste spectacle. Une fois. J'ai vu tout ce que je craignais de voir sans pouvoir me voiler la face sous des pans de coton, de fibres synthétiques. Je ne  regarderai pas cette série de nouveau. Tout est imprimé, gravé.
Et avec elle la honte mortifère de ce que je me suis laissée redevenir, de ce que j'ai laissé mes os se recouvrir. Aucune échappatoire, pas même sur la ligne d'horizon. Les culpabilités se mêlent : celle d'un tel corps excédant, celle d'en être toujours préoccupée, celle de savoir profiter comme tout le monde, badine et excitée, décomplexée et rieuse sans arrière pensées.
Là aussi, il me reste des traces de bronzage.


Une boule au fond de l'estomac que j'imagine expulser. Mais elle reste profondément encrer. Elle est moi. Définitivement. Malade de soi. Je visualise un lavage de ce que je suis de corps, puisqu'autour il n'y a plus rien en dehors de cette chair grasse. Encore moins d'identité. Une langueur tenace, là, sur le rebord de ma fenêtre, du saut du lit a
u coucher tardif, jusque dans mes rêves. Comme un lest à l'âme. Trop d'idées se bousculent. M'enlisent dans la sable de la Bretagne tant aimée. Dans le bitume parisien du quotidien.
Je connais toutes les théories, celle du pas à pas, celle du temps à s'octroyer, de l'élan à garder, de l'espoir à raviver à la moindre faiblesse, de l'écoute à s'accorder et de la violence à se faire pour ne pas stagner. Si je les ressasse à d'autres, c'est parce que j'y crois profondément. Que je les ai touché de près, en ai tiré profit avant de retomber. Je ne sais pas ce que je veux faire à présent. Je n'y crois plus : il s'agit de moi. Me recroqueviller. M'insensibiliser plus encore.  Et tailler dans la masse revient comme une litanie, comme l'unique recours, comme l'unique bien-être. La réponse idoine. Et  faussée par une identité perdue, qui ne trouve son salut quand dans la maîtrise et le rejet de soi pour s'élever vers une réussite plus pure, mais elle aussi erronée.

La rentrée pointe bien trop son nez, la reprise d'une vie de "working girl" sans paie ni possibilité de promotion. Et avec septembre les doutes, les mises à pied, à genoux. L'optique d'un chômage sévère et d'une ligne de fuite noircie. Il me manque un équilibre, un sens. Alors je vide. Qu'aurais-je fait de ma vie ? Pour les autres ? Pour le monde ? Mener une existence à contenter mon seul nombril, perdre ma vie à la gagner, à emmagasiner des biens matériels superflus, me laisse de marbre. J'aurais voulu être utile à autrui, sans en être remerciée. La reconnaissance ne m'intéresse pas, je n'ai pas besoin que mes actes me valorisent. Juste d'agir pour les autres. Pas envie non plus de laisser de traces ici-bas, encore moins de devenir importante pour quelqu'un. Mais n'être que de passage, et libre. Laisser indifférente au pire, puisque je ne suis pas capable d'apaiser ce monde d'injustices et de douleurs, et surtout veiller ne pas blesser les autres, proches et anonymes. Je n'ai pas envie de me tourner vers moi, vers des plaisirs égoïstes. Mon cœur ne bat que pour ma seule survie, cela ne m'égaie pas. Je ne me résume à rien. A personne. Je n'envisage pas de lendemain pour moi. N'ai pas d'avenir à contempler comme l'horizon. Pas la force de le débusquer non plus.

Photo : Koksuel.
Titre : Ernestine par Noir désir.
Musique en cours : J'envoie valser par Olivia Ruiz.
Humeur : Jocker.

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