Reflet.
Je ris doucement. J'en ris avec toute la cruauté dont je suis capable. Une photo commentée et appréciée, certes. Mais. Suis-je la seule à lire toute la haine de ce regard ? A sentir la violence poindre sous les tonalités douces ? A voir la moue pincée de celle qui se voit dans le miroir et qui sent la décharge de haine montée en elle ? Contre elle. Quelque chose me touche dans cette photographie, c'est rare. Je craignais de la rendre publique, j'avais peur que l'aversion soit visible pour d'autres comme elle me semble si évidente. J'ai pris le risque. Je me trompais.
Je suis "celle qui fait le bien autour d'elle" m'a-t-on dit ce matin, à 07h42. Soit. Et je suis heureuse de ne pas toujours être un poids pour ceux qui peuplent mon existence. Mais pour moi ? Sur cette photo, je suis intervenue. J'ai enlevé grâce à un logiciel de retouche l'écoulement de sang dans mon œil. Une tache qui campe là depuis des jours et commence seulement à disparaître. Une tache comme la seule trace de mes errances, de mon venin, de mes actes répréhensibles. Alors, je ris doucement. Oui, je ris de moi. Et parce que je sais plus pleurer peut-être.
Je devrais travailler, là, maintenant, tout de suite. Travailler encore. Il me reste tant à faire. Tant à prouver pour ne pas trahir la confiance mise en jeu. Mais je ne fais que cela depuis des semaines, des mois. Travailler, travailler, travailler, soirées et week-end compris. Je suis épuisée et lassée de la vie. Mes 17 ans me manquent. Les douleurs d'alors avaient quelque chose de plus simple, de plus direct et clair. De plus vrai, de plus pur, de plus beau. De plus doux. Aujourd'hui, elles n'ont plus rien de resplendissant. Quitte à souffrir autant que cela ait du charme, même délétère. Cette vie là me manque. Me manque terriblement. Tant que c'est à en rire. Alors je travaille pour me laisser croire que cela me fera oublier. C'est en vain. Une autre source de crise de nerfs.Travail sous pression continuelle et dans une solitude qui elle, ne m'avait pas manquée. J'en avais presque oublié le goût, la brûlure et l'amertume.
Je regarde cette photo. Elle a quelque chose qui me transperce. Ce n'est pas moi, tout en étant le plus profond de mes secrets. Par fulgurance, l'envie. J'aurais presque envie de la prendre dans mes bras cette fille là, et de la bercer un peu, pour lui voler de sa colère et de son dégoût. Ou de l'achever. J'en suis arrivée là, au bout de cet été : à me consoler dans mes propres bras. Deuxième été d'affilée qui enclenche la dépression de novembre avec des mois d'avance. Je ne suis pas certaine d'avoir envie d'attendre l'été prochain pour voir s'il apaisera les précédents, s'il les vengera.
Sous mes silences, ma violence.
"Sous nos paupières,
Des tremblements de terre."
"Et de bien mauvaises prières
Pour de bien mauvais espoirs
Tu implores le ciel
Et comme un mauvais garçon je reste
Ton souvenir acerbe
Et ton plus bel amant
Je reste le cauchemar dont tu rêves"
Photo : Vic4U
Citation : Elsa Lunghini / Da Silva - Les tremblements de terre / La dernière des canailles
Humeur : pluvieuse