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(Tout) et n'importe quoi.
6 novembre 2010

"Sépuiser pour ne penser à rien, quelques secondes, se donner ce répit."

eab3a4e671bb6b213368e1237caa0d0b_d2z2m4kJ'ai dix sept ans ou peut-être dix huit, déjà. Les dates se mélangent. Seule persiste la conscience accrue sur le rebord d'une autre fenêtre à l'assise un peu plus large, au vide un peu moins franc. Mais cela n'a aucune importance. Le vide quantifiable ne compte pas. Je tournoie dans une cercle de quinze centimètres de diamètre. Le périmètre de la prison. Les feuilles volettent sous un ciel d'un rose sale qui ne porte pas les mêmes étoiles que les cieux de mes dix sept ans. Elles écrasent sur le sol, déjà tapi par leurs sœurs déchues. Une mousse délicate, croquante sous la plante des pieds. Quelques unes échouent au creux de mon cou. Me chatouillent sans me faire rire. Je les retire une à une, du bout des doigts. Eviter les contacts prolongés et les rendre au plus vite à leur automnale condition. Je tombe dans le vide qui ne brisera aucun de mes os. Ils sont bien trop solides désormais. Je tournoie, mais la nausée qui me gagne et m'obstrue bien plus que l'œsophage, ne puise pas son origine dans la vitesse que j'imprime à mes pas. Je tournoie, sans savoir ce que je cherche. Les sensations ne franchissent pas l'épiderme. La nature de la chute. J'ai dix sept ans, à jamais, c'est là que tout cesse. J'aurais aimé rester cette fille là, celle qui manque à ma vie sous cet autre ciel. Bleu nuit. J'aurais préféré crever la bouche ouverte plutôt que la gueule pleine. Il suffirait de faire marche arrière, quelques pas de plus seulement. La distance n'est pas si grande, je la franchis encore. Quelques pas de plus et je me tiendrais à une distance raisonnable de moi, dans l'effondrement émotionnel qui me mettra hors de danger. Hors de portée. Je me suis tellement manquée ces dernières années, je peux m'offrir ce geste... Celui de me retrouver. La peau sur les os. Inutile de faire le calcul pour revenir dans la réalité de mon âge, je le connais si bien que je le fuis. Je n'ai pas grandit avec lui. Il ne me colle pas à la peau et ne me murmure rien au creux des oreilles, quand il résonne dans mon cou, soulève mes cheveux dans un souffle glaçant. Alors à jamais, j'ai dix sept ans. Là où tout a cessé. Certaines choses sont simples comme un bonjour à l'éternité. Hantée. Je tiens la ligne pour la figure de style. M'arrête pour la dernière escale, celle des ultimes demandes, des ultimes preuves de confiance à fournir et des ultimes devoirs. Je rêve d'envol quand le monde se tient au silence. De lui-même ou quand je le repousse. Quand le monde dort et que je me faufile dans les notes de musique. Je n'ai plus rien à prouver. C'est terminé cette étrange comédie. Ce qui brûle et vire aux cendres dispersées ne regarde personne. C'est mon ultime secret. Je sens le vent sur mes joues rougies. Il ne me porte plus. Il ne fait que me frôler comme je le fais chaque jour avec tout ce qui m'entoure. Je n'ai rien à laisser derrière moi. Je n'emporte rien non plus. N'être que de passage, je l'ai toujours su. Conviction intime enracinée depuis d'autres nuits des temps. Une étoile filante, si morte à des milliers d'années lumière, qu'aucun éclat ne parviendra à déchirer le ciel, ici-bas. Tout disparaîtra un jour. Bientôt ? Je contemple mes dix sept ans ensevelis depuis des lustres et sous des tas, les yeux au ciel, chahutés par le tourbillon des feuilles qui tournoient, elles aussi, et me noie.

"J'ai envoyé balader le psy conseillé par Juliet en lui disant que je n'étais pas malade,
mais triste, simplement triste. Ca ne se soigne pas..."
Thomas B. Reverdy - "L'envers du monde"

Photo : Ophelia by Iza87
Titre & Citation : Thomas B. Reverdy
Musique : Le vent & la bruine lointaine
Humeur : Opaline

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Commentaires
A
Que j'attendais quelques mots ici. Parce que malgré la tristesse, la mélancolie de ta prose et les émotions qu'il y a derrière, tu écris magnifiquement bien.<br /> Dans ces étoiles et dans tes dix-sept ans subsiste le rêve, l'espoir secret qu'un jour tout peut changer mais que l'immobilisme du temps te fait oublier. C'est beau ce que tu écris. C'est triste aussi. C'est grand.<br /> Dix-sept ans n'est pas si loin. Et tu n'as pas d'âge autrement que sur ta carte d'identité, crois-le ou pas, ce concept étrange d'être sans âge permet de ne pas se raccrocher à la vulgaire norme d'un "bon anniversaire" lancé à tour de bras. <br /> Pour moi tu n'as pas d'âge, peut-être celui de l'éternité et du "toujours, depuis toujours je te connais" même si ça ne fait pas tant d'années que ça. Un lustre et à la fois si peu de temps.<br /> Il en reste du temps et à l'âge que l'on te donne aujourd'hui, je suis heureuse de t'avoir la possibilité et l'honneur de t'apprécier.<br /> <br /> Tu peux respirer tranquillement, je suis là.
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