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(Tout) et n'importe quoi.
21 novembre 2010

Triste dans leurs dos.

379965056bf6dba2687f685ab3452703Il a parlé de moi comme si je n'existais pas, entre deux inspirations de nicotine, sans se cacher ni amoindrir la portée de sa grosse voix de mâle. Il déblatérait comme si je n'étais pas là, à quelques pas d'eux. Et pourtant, dans l'ombre certes, mais proche et incandescente sous ma propre fumée. J'expiais ma lassitude teintée de culpabilité, mon ennui dévorant et la certitude de ne pas être à ma place et de ne pas vouloir en prendre une. Là, sous le ciel étoilé à qui j'accordais un franc regard, je tuais l'espace temps. J'autais pu tousser ou crier. J'ai tenté de me rapprocher. Je n'ai pas récolté un regard, je leur ai tourné le dos pour finir ma cigarette en musique. Croyait-il vraiment que la musique qu'ils entendaient émaner de moi couvrait leurs rumeurs ? J'ai l'ouïe fine depuis l'enfance et mes nuits à guetter le pas, le souffle de l'homme armé qui viendrait me poignarder. "Elle est éteinte. Je ne l'ai jamais vue comme ça." Et j'ai touché du doigt l'invisibilité, la transparence.

"A trop mourir on pose les armes."

Sachez bien que je préfère être éteinte qu'à vif sous vos yeux. Je ne dirai rien. Ni à vous ni à personne. Tout cela m'appartient et me tient à bonne distance de vous. Assise là, deux fois par jour, après des heures de cuisine et avant les heures de vaisselle et de ménage, j'attends. J'attends que vous ayez fini d'ingurgiter ce que vous avalez sans plaisir, seulement pour remplir vos estomacs jamais rassasiés. J'attends que vous pensiez à autre chose, que le sujet de conversation dévie de vos assiettes du lendemain et de vos petites vies étriquées dans le racisme et le capitalisme. J'attends que vous ayez fini de me faire perdre mon temps. Absente, car ni de vos mets ni de vos mots n'aiguisent mes sens.

"On a, jeune, des larmes sans chagrins ; vieux, des chagrins sans larmes."

Aujourd'hui encore, pour vingt huit jours encore, je tire sur la corde. Je l'ai bien en main, elle me cisaille la paume. Mais la douleur de l'habitude n'a pas la même emprise que la douleur par surprise ou par à-coups. Elle ne lâchera pas. Elle tient depuis un an. Depuis dix ans. Depuis vingt-sept ans. Elle ne se détend qu'une fois le cahier des charges rempli. Quand le temps du repos partiel sera vital, le corps tapera du poing et se clouera tout seul au lit. Deux jours, peut-être trois. Il n'a que ce recours pour m'empêcher de courir, de lever jusqu'au petit doigt. Lui fonctionne ainsi. De ses suppliques je ne retiens qu'un silence, il abat le château de cartes de mes comédies en m'écroulant. Mais jamais, non, jamais, il n'atteint l'esprit, son ultime défaillance. L'esprit, lui, s'enfonce sans relâche et peuple l'envers de mes paupières. Il me pousse dans des méandres dont je m'enfuis au matin, l'envie éreintée, le souffle court.

"Personne ne tombe jamais à moitié."

J'arrive au bout de ce je peux être et je n'ai plus envie de donner le change. A présent, j'ai besoin de crever.

Photo : Désirée Dorlon
Citation : AaRON & Joseph Roux & Colum McCann
Musique : Bon Iver - Skinny Love & re:stacks / M.C Revranche - On the Floe
Humeur : Dose létale

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Commentaires
A
Merci.
I
J'ai besoin de lire un ailleurs...<br /> Un ailleurs qui s'ouvre et s'offre à moi.<br /> Je ne suis pas déçue de la rencontre.<br /> Bien à toi.
A
Aïe.<br /> Cultive ta différence, non pas parce qu'ils seraient moins bien que toi mais parce qu'ils ne posent pas les pieds sur la même planète que la tienne. Qu'importe que les sols soient différents. Qu'importe qu'ils parlent de toi sans voir que tu es à leurs côtés. Leur maladresse ne signifie pas manque d'amour. Mais aïe.<br /> Ils sont ensemble et complices quand tu es seule. Alors rien que ça ça explose à tes yeux quand tu es par là-bas, encore plus que lorsque tu foules tes pavés.<br /> Alors aïe, mais ne serre pas cette corde.<br /> TC
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