Babillage nocturne.
Je veux de la tendresse. Pure. Celle qui n'invite à rien. Rien d'autre qu'une caresse. Qu'un sourire. Qu'un instant serrée contre l'autre à en suffoquer pour croire que demain viendra, plus clair. Ou qu'un battement de cils. Plus jamais mal interprêté. L'âme rayée ploie. Ne permettant plus la confusion. Le rejet muet. Je veux de la tendresse. Pas plus. C'est trop peut-être. De la tendresse. Celle qui câline avec délicatesse et sagesse. Fait frôler la peau comme on le fait d'un tissu précieux. En tremblant. De la soie et du cachemire. Avec la peur de le froisser ou de le salir. Du bout des doigts. La respiration retenue. Je veux de la tendresse. Celle que l'on offre sans qu'elle ait été quémandée. Verbarlisée. Sans adresse, sans recommandée à retirer ni mandant à expédier. Je veux de la tendresse. Celle qui enlace. Délasse. Ôte de la pesanteur du temps et des gestes irrémédiables. Et qui nuance les petites heurts quotidiens et les puits de détresse. Lance des cordes sans le renfort des girophares et des mises en garde désarçonnées. Celle qui apaise les au revoirs râtés qu'il faut assumer. L'après. Comme une volupté qui se rend sans assigner la conscience de la main qui cajole l'âme de l'autre. Des gestes sans grand discours. Ni ponctués de "mon amour". En silence. Je veux de la tendresse. Celle qui donne à croire que l'abandon n'est pas éternel. Pas plus que la perte. Celle qui ne dit pas son nom. Et ne porte pas de sabots. Maladresses, peut-être. Mais douce présence, malgré tout. Je veux de la tendresse. Celle qui maintient droite d'un bras et de l'autre désigne le ciel. Bleu. Rose. Ou gris. Tour à tour. Parfois. Je veux de la tendresse. Celle qui ne salit pas. Ne culpabilise pas. Ne blesse pas. Ne dégoûte pas de soi. Ne réduit pas à néant. Celle qui fait de soi ce que l'on est. Qui ne nécessite pas davantage que la pulsation sanguine du coeur de l'autre qui bat dans notre paume. Enmêlés. Celle qui ne gangrène aucun plaisir dans les plaies béantes. Juste à fleur de peau. En rien ne délaisse. Celle qui fait se promener l'empreinte digitale amie sur notre parchemin cutané. Je veux de la tendresse. Celle qui enivre. Ranime. Quand le coeur s'endort sous la camisole chimique. Celle qui ne laisse pas la brûlure de l'aube marquer la peau. Qui réduit les absences à un instant soufflé par le vent de décembre. Je veux de la tendresse. Celle qui donne l'illusion de la compréhension réciproque. Celle qui, muette, égale tous les vers de Rimbaud, Verlaine et Baudelaire. Celle qui n'étreint pas le corps mais parcourt le visage. L'effleure. Lentement. Caresse les lèvres closes. Les cils ravagés d'humides silences meurtriers. Dépose un ou deux baisers à l'aurore du front. Fragilité honteuse qu'aucun mot ne souligne. Je veux de la tendresse. Celle qui rattrape notre main quand le corps se contorsionne de hontes et de douleurs, du labeur des surdoses. Quand entre les draps tout s'éffondre. Celle qui se fait protection. Guide la main sous le corps. Qu'elle le hisse peau contre peau. Support quand les jambes ne portent plus. Les jambes repliées. Deux paires. Unies mais singulières. Deux entités pour un souffle. L'espace d'une inspiration. Et la vie qui bat sous la sienne qui rappelle au matin le corps moribond. Je veux de la tendresse. Celle qui ne réclame aucun du. Aucune compensation. Pas plus que d'explication. Celle qui rend belle et croyante. Le temps que passe l'éclipse des chimères.
Je voulais de la tendresse.