Entre les lignes.
Regarde comme
tu me ronges. A quel point tu me rends malade de moi. Je titube
sous tes pas. Pantin éthylique qui ne boit pas. Tu vois, au fond, je ne
ressemble à rien. A rien sans toi. A rien avec toi. Tu ignores ce que veux de moi. Je n'en demeure pas moins ton
jouet. Doucement, glissent entre tes doigts les cordes de mes jours. Un
pas en avant. Et dix en arrière. Un sentiment retrouvé. Assumé. Et dix
qui blessent telles mille petites morsures impalpables. Tu vois, les ecchymoses et fêlures au-dedans. Et tout ce que
je n'ose. Pas. Plus. Je ne sais plus. Sauf que tu es de trop. Ou trop
absente. Le filigrane n'est pas un état agréable. L'indécision me
hante. Et je lutte. dans un sens. Puis dans l'autre. Le tournis gagne. Tu me brises contre les moulins à vents. Leurs ailes me
cisaillent. Comme je voudrais le faire de mes bras. Je tombe. Au ralenti. Avec la mesure des pris au piège. De ceux qui
savent et nomment les étapes sans pour autant savoir dévier de la route
qui s'ouvre sous leurs pieds. Je déteste ce que je ressens. Ce que je tais. Ce
que tu fais de moi. Ou ce que nous faisons de moi. Une petite fille
capricieuse qui ne sait voir ce qu'elle a entre les mains. Qui réclame en silence de vitales futilités. Tu fais de moi celles dont on se lasse. En semant impuissance et usure. Et toi aussi, tu m'abandonnes. Pourtant, je ne sais
plus ce qui est de toi ou de moi. Comme j'ignore ce qu'il reste de moi
après toi.
Je préférerai une guerre à découvert. A feu et à sang. Et
avancer fièrement dans la boue des terrains qu'il reste à (re)conquérir.
Je préférerai qu'une fois pour toute, tu gagnes ou tu perdes. Et qu'on en finisse, enfin. Je préférai que
tu m'achèves plutôt que de continuer à taper à l'aveuglette contre toi. Ce ne sont
que des coups contre moi. Et je m'affaiblis et te galvanise. Tu vois.
Parfois. Souvent. Je regrette de n'avoir pas su mourir quand je le
pouvais. Quand je l'aurais du. Rampante sur le linoléum brun.
Bien sûr je tiens debout et ne
tombe qu'à l'ombre. Les jours s'accumulent avec frénésie et
ironie. Bien sûr, parfois tu te tais et je souris. Je souris et je vis. Je t'oublie. Mais je retombe aussi. La répétition use. Envieuse. Désespérée. Paralysée. j'observe tout ceux
qui ont 25 ans, et fièrement tracent leurs chemins. Tu vois toutes les
portes que tu condamnes depuis huit ans, j'en ai perdu la clé. Il
faut avancer. Je le fais. Mais les lacunes m'avalent. Tu as placé la barre
tellement haut qu'aujourd'hui je ne peux plus redescendre. Et plutôt
que d'avouer mes défaites. De rentrer me faire consoler et rabrouer, je préfère me jeter du pont. Je ne rentrerai pas là-bas. Je ne le peux pas. Relent d'orgueil (ml placé peut-être bien). D'angoisses et de honte, essentiellement. Et mes rêves s'érodent dans les
balbutiements et les échecs retentissants.
Et tu reviens, encore et encore. Triomphante,
tu n'avais pas désertée. Tu mens. et je tombe dans tes pièges. La nuit je m'accroche à mes hanches. Certes, à
peine à fleur de peau. Comme à un rocher, je m'arrime. Mais tout n'est que
sable et vent. Et mes hanches sont bleues. Elles heurtent tout ce qui
traîne. Même le matelas. Mais tu vois, malgré moi, je vérifie encore.
Regarde les nuits que je passe à me passer de toi. Je crains bien de ne jamais guérir : je suis ma maladie.
Je ne veux rien et je veux tout. Je veux plus. Je veux mieux. Je veux
trop. Je ne sais rien recevoir. Ne sait rien retenir. Je ne veux pas de "je". Tout est
tellement compliqué dans tes bras. Qui me séduisent autant qu'ils me
répugnent. Tu vois comme je suis lasse de toi. De moi. De tout ce que
je voudrais être mais ne suis pas. Ne serais plus. De tout ce que j'étais et que je ne
retrouve pas. De tout ce que je n'atteindrais pas. Tu m'as
déjà fait renoncer à tant qu'à présent tu peux m'achever. Je ne sais plus où tu cesses et où je commence. Où tu prends ta source
et où je m'assèche. Regarde les murs de solitude et de réclusions que
tu dresses encore trop souvent à mon goût. Alors qu'il y a des mains par-delà, des sourires et des coins de canapés. Alors qu'il y a des envies, mêmes ponctuelles. Alors qu'il y aurait
des cris à pousser. Regarde le mal qu'on se donne pour étouffer le mal
que tu m'as fait. Que je me suis fait, certes. Tu fais mentir
les sentiments. Je voudrais ne plus souffrir de toi. De ton
fantôme et de ta folie latente. Ni de moi. Ou ce qu'il en survie. Moins encore de ce corps et de cette identité mâchurée. Imparfaite. Si peu et tellement. Mais tu te
moques de tout cela. De moi. Et tu m'écrases encore. Et tu nourris de tes rires les vides qui
se creusent. Multiplies les
chemins pour que tout ne soit d'errances. Et tu barres les routes sur
lesquelles je m'engage en y croyant encore. Tu m'aimes comme tu me
hais. Comme je t'aime et comme je te hais. Tout cela n'a que trop duré. Tout cela ne trouve pas son terme.
Elle était de ces femmes qu'on embrasse sur les yeux
Dont on tombe sous le charme comme on tombe sous le feu
Elle était de ces femmes qui ne laissent pas les hommes silencieux
Dont on tombe sous la mitraille rien qu'en croisant ses yeux
Elle était de ces femmes qui ne semblent pas craindre le feu
Ni le bûcher ni les flammes tout en elle vous rendait heureux
Elle était de ces femmes qu'on prie pour qu'elle vous remarque un peu
On plongerait dans ses flammes pour seulement effleurer ses yeux
Elle était de ces femmes dont un sourire vous rend heureux
Pour elle j'aurais maudit mon âme, pour elle j'aurais maudit le bon dieu
Elle était de ces femmes dont on aimerait laver les cheveux
Dont on aimerait embrasser l'âme c'est le plus grand de mes vœux
J'ai rien dit devant cette femme même pas "au fait est-ce qu'il pleut ?"
Et l'enfant que vous êtes encore Madame me met les larmes aux yeux
Elle était de ces femmes qui n'ont pas le regard bleu
Dont les yeux ont versé trop de larmes pour croire encore aux cieux
J'ai rien dit devant cette femme même pas "au fait est-ce qu'il pleut ?"
Et l'enfant que vous êtes encore Madame me met les larmes aux yeux.
Christophe Miossec - Madame
(En hommage à Juliette Gréco)
Album : Brûle. 2002